Maladie des Citrus : quand un virus aide à lutter contre une bactérie

Une maladie des agrumes sévit dans tous les vergers américains depuis 1970. Elle transforme les oranges en fruits verts, impropres à la consommation. En cause : la bactérie Candidatus liberibacter asiaticus propagée par une espèce de tique qui pénètre dans les racines, monte dans la sève et empêche les fruits d’accumuler le sucre nécessaire à leur croissance et leur maturation. Des millions d'hectares de cultures d'agrumes ont déjà été perdus aux États-Unis (80% des citronniers sont infectés et en déclin en Floride) et à l'étranger. 


La lutte chimique étant insuffisamment efficace à ce stade, la solution est de trouver et multiplier des arbres résistants, soit avec des techniques traditionnelles de reproduction ou de génie génétique. Mais les deux approches s'avèrent problématiques. Malgré des recherches exhaustives, personne n'a trouvé un arbre naturellement immunisé. Et il faudra de 10 à 20 ans pour développer un arbre résistant par génie génétique, même avec de nouveaux outils d'édition de gènes comme Crispr. Les producteurs ne peuvent pas attendre si longtemps…


L’entreprise américaine Southern Gardens  Citrus, l'un des plus grands fabricants de jus d'orange au monde, est très impliqué dans la recherche d’une solution génétique et notamment sur « un vaccin arboricole ».


L’idée commence par un virus inoffensif qui vit dans presque tous les arbres d'agrumes de la Floride. Il y a des années, Bill Dawson, phytopathologiste à l'Université de Floride, a modifié une souche locale du virus citrus tristeza pour pouvoir insérer de nouveaux fragments d'ADN dans son génome, devenant ainsi un vecteur viral.


Southern Gardens a modifié le virus citrus tristeza en lui insérant des gènes qui induisent la résistance à la bactérie Candidatus liberibacter asiaticus : en l’occurrence un groupe de protéines antibactériennes appelées « défensines » extraits de l’épinard. Puis,  Southern Gardens a greffé une plante traitée par un vecteur sur l'arbre infecté. Au fur et à mesure que le virus se réplique à l'intérieur de l'arbre, il devient une usine de défensines, et ces protéines traversent le phloème en attaquant chaque C. literibacter qu'elles rencontrent.


"Vous pouvez penser à un comprimé de vitamine à libération lente", explique Tim Eyrich, vice-président de la recherche et de la commercialisation de Southern Gardens. « Nous attaquons la bactérie là où elle vit, et nous pouvons le faire sans changer la biologie de l'arbre ». L’arbre est résistant mais n’a pas été modifié génétiquement. Seul le greffon contient un virus transgénique qui est « diffusé » dans l’arbre.


En février 2017, Southern Gardens Citrus a déposé une demande de permis pour tester le virus modifié sur des centaines d'hectares d'oranges, prolongeant ainsi les essais limités qu'elle mène depuis 2010. Le ministère de l'Agriculture des États-Unis a depuis signaler son intention de mener une étude d'impact sur l'environnement afin d'examiner les risques potentiels liés à l'octroi d'un tel permis.


Cet exemple montre que l’innovation génétique peut prendre des formes nouvelles pour lutter contre des maladies, sans forcément changer la génétique des plantes.