La fabrication facilitée de pâtes à papier : des arbres à faible teneur en lignine

La lignine est le principal constituant, avec la cellulose, de la paroi des cellules du bois. Elle joue un rôle important dans les fonctions de soutien, de conduction et un rôle primordial contre les attaques des champignons et des insectes.

Du bois au papier...

Si les lignines sont importantes pour la physiologie de l'arbre, elles sont en revanche indésirables dans l'industrie papetière. Car, pour obtenir un produit de qualité, elles doivent être éliminées afin de libérer les microfibrilles de cellulose, principal composant du papier. Or, cette étape de la production nécessite l'utilisation d'une grande quantité d'eau et l'emploi de produits chimiques coûteux et polluants.

Pour le procédé kraft, par exemple, la pâte à papier est issue de la cuisson de copeaux de bois dans une solution de soude et de sulfure de sodium. Et cela pendant plusieurs heures à une température de 170°C environ.

Répondre à la demande

Aujourd'hui, compte tenu de l'augmentation constante des besoins, l'industrie papetière doit rechercher des méthodes de production plus respectueuses de l’environnement.

La production d'arbres dotés d'un bois différent - contenant moins de lignines ou des lignines modifiées (plus faciles à extraire) - permettrait de diminuer la consommation d'énergie et de produits polluants.

Depuis plusieurs dizaines d'années, les sélectionneurs ont recherché des arbres moins lignifiés, mais sans grand résultat.

Lignines, mode d'emploi

Dans la mesure où les enzymes clés du métabolisme de ces lignines sont déjà connues, l'introduction de nouveaux gènes est envisageable. Elle vise à augmenter ou diminuer l'activité de ces enzymes. Ainsi, les arbres transformés peuvent contenir moins de lignines ou en élaborer de qualité différente. Ce qui dans les deux cas, permettrait d'améliorer leur extractabilité et intéresserait les fabricants de pâte à papier.

Des tests prometteurs

Des résultats encourageants ont été obtenus sur des plantes modèles et sur des arbres, principalement sur le peuplier (cf. Baucher M et al. Plant Physioogyl 1996 ; 112 : 1479-90) - notamment avec la suppression de la cinnamyl alcool déshydrogénase (CAD), une enzyme-clé de la voie de biosynthèse des lignines.

Cette modification entraîne la formation d'un polymère de lignines doté d'une structure et de propriétés particulières - qui facilite l'attaque des agents chimiques lors de la délignification. De fait, cela permet l'extraction des lignines par un traitement alcalin doux – réduisant notablement les quantités importantes de produits alcalins généralement utilisés dans le processus de production de pâte à papier.

Ces résultats ont d'abord été obtenus sur de très jeunes arbres élevés en serre (Pilate G et al. Nat Biotechnol 2002 ; 20 : 607-12). Une évaluation en champ a ensuite été menée de 1995 à 1999 sur des peupliers transgéniques à faible activité CAD. Cultivés au champ en France et en Angleterre, ces tests concernaient la stabilité dans le temps des nouvelles propriétés technologiques de ces bois, leurs performances agronomiques et leur résistance à l'attaque des insectes et des champignons.

Ces expérimentations ont montré que le changement de structure des lignines n'a aucun effet néfaste, ni sur leur capacité de défense face aux insectes et aux pathogènes, ni sur leur croissance et leur développement.

Le bois de ces arbres a ensuite été analysé pour la production de pâte à papier. Une délignification équivalente à celle d'un arbre témoin a été réalisée sur les arbres à faible activité CAD. Il en ressort que ces bois ont nécessité l'utilisation d'une moindre quantité d'agents alcalins - la cellulose ayant conservée un meilleur degré de polymérisation. De plus, ils ont permis la production d'un papier de qualité supérieure avec, dans le même temps, une augmentation des rendements en pâte de 3 % environ. Ce qui au regard des volumes de productions de papier annuels, est considérable.

En résumé, ces peupliers transgéniques à lignines modifiées, tout en diminuant les coûts de production, permettent d'obtenir, avec un meilleur rendement, un papier de plus grande qualité.

Des arbres à faible teneur en lignine devraient être exploités prochainement.