Trois expertises française et européennes invalident les résultats et conclusions de l’étude de GE Séralini sur les maïs OGM

En 2012, stupeur et tremblement : des rats nourris avec des OGM sur des périodes de 90 jours présenteraient des tumeurs ! « Oui les OGM sont des poisons » titrait le Nouvel observateur. Le buzz médiatique est tel que les pouvoirs publics français et européens commanditent trois études pour vérifier la dangerosité des OGM et les protocoles de leur évaluation. En 2018, tous les résultats sont disponibles et réfutent non seulement les résultats mais aussi l’intérêt d’études toxicologiques aussi longues, devenues pourtant obligatoires depuis 2013.


Le buzz : rappel des faits


Le 19 septembre 2012, la revue « Food & Chemical Toxicology » publiait un article de GE Seralini et son équipe qui faisait état de pathologies lourdes sur des rats nourris pendant deux ans avec du maïs tolérant à du glyphosate ou au glyphosate seul. Ce type de maïs OGM n’est pas celui autorisé en Europe mais largement cultivé ailleurs. Largement orchestré avec scoop médiatique, film, reportage, cette étude fait grand bruit et oblige les instances scientifiques et pouvoir public à réagir. Les OGM sont-ils toxiques, comment les éviter ? Alors qu’en novembre 2012, l’EFSA (l’autorité sanitaire européenne), comme l’ensemble des académies et instances scientifiques internationales, confirme que cette étude comportait « des lacunes importantes dans la conception et la méthodologie » et n’apportaient pas de conclusions fiables, des députés français puis européens demandaient des études indépendantes sous budget européen.

Voir encadré


Les actions engagées et le résultat des études


Malgré la condamnation unanime de cette étude par les autorités scientifiques(1) (elle sera d’ailleurs retirée du journal -fait rare- fin 2013 pour réapparaitre en 2014 sur une plateforme publique(2) ), les députés européens obtiennent l’obligation d'effectuer des études d'alimentation de 90 jours chez les rongeurs pour toutes les applications de plantes génétiquement modifiées contenant des événements de transformation unique avec l'ensemble des aliments / aliments pour animaux modifiés [Annexe II, 1.4.4.1. du règlement d'exécution (UE) no 503/2013. Et commanditent deux études GRACE(3) et G-TwYST. En France débute l’étude GMO90plus. À l'époque, cette exigence était mise en place pour tenir compte des divergences de vues de certains États membres de l'UE et pour améliorer la confiance des consommateurs.


L’étude française GMO90plus


Cofinancé par le ministère français de la Transition écologique et solidaire et la Commission Européenne, le projet GMO90plus(4) avait pour objectif de déterminer si l'alimentation des rats avec du maïs génétiquement modifié entraîne des changements métaboliques et s’il est possible de prédire de potentiels impacts sanitaires à long terme. La durée des études était de six mois (soit 180 jours). Les résultats obtenus ne montrent aucun changement.


Les études européennes GRACE et G-TwYST


Pour répondre aux incertitudes liées à la nécessité de mener des études sur l'alimentation de 90 jours, la commission européenne a financé un projet spécifique appelé GRACE, qui était dirigé par un consortium de scientifiques indépendants de premier plan de l'Union Européenne. L'objectif du projet était de tester la conception, l'exécution et l'interprétation des essais d'alimentation des rongeurs (études de 90 jours et étendues) et des études alternatives avec des aliments entiers afin de fournir des recommandations sur la pertinence de ces outils pour l'évaluation des risques. En considérant les forces et les limites scientifiques des différentes approches. Le règlement d'exécution stipule que la CE « surveillera les résultats du projet de recherche communautaire GRACE et examinera l'obligation d'effectuer des études d'alimentation de 90 jours sur la base de ces nouvelles informations scientifiques, au plus tard le 30 juin 2016 ».

Les résultats du projet GRACE(5) ont été publiés en novembre 2015. La conclusion était que "les données de GRACE ne fournissaient aucune indication selon laquelle les études d'alimentation de 90 jours (suivant les directives de l'OCDE ou de l'EFSA et les pratiques actuelles) apportaient des informations supplémentaires sur la sécurité sanitaire du maïs OGM par rapport à la variétés conventionnelle la plus proche en termes d’évaluation ».
Le projet a également conclu qu'il n'y avait aucune base scientifique pour soutenir l’obligation réglementaire de mener ces études pour tous les produits génétiquement modifiés et que la nécessité de les réaliser devrait être établie au cas par cas: "Les données de GRACE soutiennent le raisonnement scientifique qui veut que des études complémentaires soient effectuées seulement dans le cas où les résultats des analyses moléculaires, compositionnelles, phénotypiques et / ou agronomiques initiales induisent la décision de l’EFSA de conduire des essais d'alimentation avec des aliments entiers sur plus long terme pour conforter une valeur scientifique supplémentaire à l'évaluation des risques des cultures génétique ment modifiées (EFSA, 2011) ».(6)


Un autre projet de recherche du programme FP7 G-TwYST(7) financé par l'UE s'est déroulé du 21 avril 2014 au 20 avril 2018. Le but de ce projet était d'évaluer la valeur ajoutée des essais d'alimentation à long terme dans le cadre de l'évaluation des risques phytosanitaires. Comme pour le projet GRACE, le projet G-TwYST a confirmé que « les essais d'alimentation des rats avec des aliments entiers pour l'évaluation des risques d'une plante OGM n'aboutiraient pas à des informations supplémentaires sur les risques éventuels pour la santé du maïs génétiquement modifié NK603 (maïs tolérant au glyposate) par rapport à l'évaluation des risques antérieure publiée par l'EFSA (EFSA 2003)(8) ". Le consortium G-TwYST a également souligné la nécessité d'effectuer des études complètes sur les aliments et les aliments pour animaux avec des hypothèses clairement ciblées et non de façon systématique.


Compte tenu du nombre élevé d'animaux nécessaires pour les essais, le consortium G-TwYST a conclu que «la nécessité d'effectuer un essai d'alimentation avec des aliments complets / aliments pour animaux doit être soigneusement évaluée ». En effet, l'exigence obligatoire d'études de 90 jours va à l'encontre de la directive 2010/63 / UE (9) de l'UE sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, où l'utilisation d'animaux de laboratoire ne devrait être permise que si elle est justifiée.


Les enseignements


Les trois études réfutent les principales conclusions tirées des études de GE Séralini de 2012 sur la toxicité des maïs « OGM » analysés : aucun risque potentiel n’a été identifié.


Les études engagées ont couté 11 millions qui auraient pu être investis dans des études de recherche et de développement. (10)


Elles ont nécessité 2 200 rats de laboratoire (11) : 560 pour Grace, 1160 pour G-TWysT et 480 pour OGM 90plus, ce qui est contradictoire avec la demande sociétale de réduire les études sur animaux quand cela est possible.


Par précaution, cette étude a engendré un renforcement systématique de l’évaluation toxicologique pour tous les dossiers à partir de 2003. On pourrait espérer que les législateurs européens tirent les conclusions qui s’imposent au regard des résultats concordants des études qu’ils ont commandités, en supprimant cette obligation de tests sur rats à 90 jours qui n’apportent aucune information sanitaire complémentaire.


Le consommateur n’a pas été informé et donc rassuré, ce qui est contraire là aussi à l’intention même des projets européens et français engagés après la polémique de 2012. Le temps scientifique pour des études de qualité est malheureusement de facto déconnecté du temps médiatique ! 


Les études toxicologiques systématiques obligatoires de 90 jours vont à l'encontre des avis scientifiques de l'EFSA et des consortiums européens de scientifiques indépendants.

 

Les références bibliographiques


(1)    http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.15252/embr.201642739/full
(2)    https://enveurope.springeropen.com/articles/10.1186/s12302-014-0014-5
(3)    http://www.grace-fp7.eu/
(4)    http://recherche-riskogm.fr/sites/default/files/projets/2015_02_13_gmo90plus_en_ligne.pdf
(5)    http://www.grace-fp7.eu/sites/default/files/GRACE_Conclusions%20&Recommendations.pdf
(6)    https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4931567/
(7)    https://cordis.europa.eu/project/rcn/191522_en.html
(8)https://www.g-twyst.eu/news/77-g-twyst-conclusions-recommendations
,https://www.g-twyst.eu/files/Conclusions-Recommendations/G-TwYSTConclusionsandrecommendations-final.pdf
(9)    http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2010:276:0033:0079:en:PDF
(10)    More details available here: G-TwYST, GRACE, GMO90+.
(11)    The GRACE project sacrificed 160 animals per 90-day study and 120 animals per longitudinal and metabolomics 90-day study. Two of each study were conducted.
 

Quelques liens vers l’avis des agences ou académies internationales en charge des questions sanitaires sur l’étude de G.E Seralini :